Crise socio-politique dans le NOSO, et guerre dans l’Extrême-Nord du Cameroun : Incidences dans le quotidien des populations après 8 et 11 années

mluemsa Par Le 29/06/2025 à 05:15 0

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Une zone de guerre ou de crise armée demeure un espace insurrectionnel où il faut s’aventurer prudemment, tant que des actes concrets certifiants la fin d’une situation délétère ne sont pas actés ou certifiés par les plus hautes autorités de l’État, et les populations qui y vivent. Image: ONU/Eskinder Debebe

Même si les débuts d’un conflit armé et d’une guerre se caractérisent toujours par des actes sanglants qui créent la panique et la confusion, il y a toujours une ou plusieurs périodes au cours desquelles les assauts répétés sont moins intenses, voire inexistants sur une période plus ou moins longue, qui cependant ne signifie pas la fin de la guerre, ou de la crise armée.

Une zone de guerre ou de crise armée demeure un espace insurrectionnel où il faut s’aventurer prudemment, tant que des actes concrets certifiants la fin d’une situation délétère ne sont pas actés ou certifiés, par les plus hautes autorités de l’État, et les populations qui y vivent. En effet, si un grand nombre d’écoles ont été désertées par des apprenants après des atrocités, le fait que des élèves et quelque enseignants reviennent peu à peu, ne signifie pas que le retour de la paix est totale. C’est juste une phase de détente qui cependant ne signifie pas la fin de la guerre ou de la crise armée. Si ce n’était pas le cas, les enseignants qui ont été sommés de retourner à leurs postes de responsabilités qu’ils ont été forcés de laisser, notamment à cause de la crise armée et de la guerre, n’auraient pas demandé des garanties de sécurité palpables pour y retourner sereinement. Sur les presque 5000 agents de l’État absents de leur postes de responsabilités et révoqués de la fonction publique à la suite d’une opération lancée en 2018, et après l’actualisation de Mars 2025, bon nombre de ceux qui sont partis, sont des enseignants. Si les raisons sont multiples, celles qui sont d’ordres sécuritaires ne sont surtout pas à négliger.

Le fait qu'un seul camerounais ait perdu la vie doit nous interpeller. Chaque fois que des camerounais sont kidnappés, c'est tout le pays qui est interpellé.  Image : aa.com.tr

Le simple fait pour l’impératif de faire face à une hésitation raisonnée et motivée par la réalité d’un passé vécue, signifie tout simplement que dans un pays en guerre et où une crise armée se poursuit, obéir à des impératifs stratégiques, c’est accepter soi-même d’aller au front, pour se battre contre un ennemi communs, sans garantie de sécurité et sans armes.

L’enseignant veut préserver sa vie, et demande des conditions de sécurité parce qu’il s’agit d’aller en contexte de guerre. Mais l’impératif lui fait savoir que tout est mis en œuvre pour qu’il soit en sécurité, sans toutefois être convainquant parce qu’il y avait des signes palpables qui montraient que le conflit armé et la guerre sont toujours en cours, même si de manière officielle, on ne notait pas de pertes en vies humaines considérables et successives, sur une longue période. En effet, les réactions donnent parfois le sentiment que c’est quand l’ampleur des dégâts est considérable, qu’on y accorde une particulière attention. Or, le fait qu’un seul camerounais ait perdu la vie doit nous interpeller. Chaque fois que des camerounais sont kidnappés, c’est tout le pays qui est interpellé. Chaque fois que des populations respectent des mots d’ordres de villes mortes, c’est le peuple camerounais qui est interpellé.

Sans toutefois être en mesure de commettre des actes affreux, au point de prendre possession de tout un Territoire ou d’une portion de territoire parce qu’il y a en face une opposition très offensive, ceux qu’il est judicieux d’appeler aujourd’hui terroristes, du fait de l’escalade du conflit armé dans les régions du Nord-Ouest et de Sud-Ouest, continuent d’avoir une certaine influence dans ces territoires qui se traduit par un sentiment d’insécurité. En effet, même si la présence des forces armées est rassurante, elles ne peuvent pas être partout en même temps. De plus, le respect des jours de villes mortes, et plus pire encore, l’obligation pour des camerounais de payer des impôts qui financent des organisations terroristes déterminées à semer le trouble dans le quotidien des populations, favorise davantage ce sentiment d’insécurité non négligeable.

Même si on note une certaine accalmie sur les territoires de l’extrême-nord, du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les populations des villages reculés en particulier, continuent de vivre sur un qui-vive que toutes les chaînes de radios et télévisions ne peuvent pas retransmettre, parce qu’elles obéissent à des exigences précises, qui leur impose parfois, de garder le silence sur la réalité de certains faits. Le témoignage véridique dans ce genre de situation est à retrouver parfois chez ceux qui ont la liberté de rapporter des informations d’une manière responsable, après s’être rendu sur le terrain, pour toucher du doigt ce qui s’y passe concrètement, et rendre compte de la réalité d’une situation qui n’est pas très rassurante car si les populations peuvent pratiquées certaines activités, il y a une différence entre la manière dont elles étaient pratiquées avant le début de la crise, et après le début de la guerre. Si en effet beaucoup ont eu à fuir leur pays et même leurs régions d’origines pour revenir par après soit pour reprendre l’école ou essayer de faire ce qu’ils ou elles faisaient avant, ils sont tout à fait conscients d’être en contexte de guerre. Les déclarations apaisantes émises dans le but d’encourager les populations à ne pas s’inquiéter de la situation, ne peuvent pas amener ceux qui sont sur le terrain à agir autrement. Violer un mot d’ordre de ville morte peut être considéré comme un très grand risque à certains endroits de ces territoires. Certaines personnes ont eu à perdre des proches, et n’ont pas pu assister à leur enterrement, à cause de cette situation d’insécurité qui demande beaucoup de prudence car si avant on pouvait se déplacer librement, la liberté de se mouvoir aujourd’hui est conditionnée par endroits, par des exigences accablantes, qui dénotent une volonté de faire régner la terreur à n’importe quel prix.     

Dans un des reportages d’une de ses éditions d’information du 2 Avril 2025 intitulé : Dans le Cameroun anglophone, le droit de passage est un fardeau supplémentaire pour les familles endeuillées, la radio française d’actualité RFI, fait état de l’existence d’une activité de marchandage contraignante. En effet, selon des témoins qui vivent une réalité que tous les camerounais ne connaissent pas, ceux que nous qualifions aujourd’hui de mouvements terroristes, obligent ceux qui veulent organiser des funérailles dans leur villages, à respecter plusieurs obligations, pour avoir un séjour paisible. Dans ce cas précis du département de la Manyu qui a pour chef-lieu Manfé, et où une victime de la crise avoue avoir payé une somme exorbitante pour jouir d’une certaine quiétude, nous avons une preuve supplémentaire du fait que la situation n’est pas encore au beau fixe.

Les territoires du Nord-Ouest et le Sud-Ouest ne se limitent pas à Bamenda et Buea. 25, 81 km2 ne représente rien sur 17 300 km2 ; de même 870 km2 sur 25 410 km2. On ne peut pas dire que tout va pour le mieux, quand des populations continuent de respecter des mots d’ordres de villes mortes, y compris dans les chefs-lieux des régions.

La légère accalmie qui prévaut dans ces régions actuellement comparée aux années passées, ne signifie pas que tout va pour le mieux. Les attaques passées aux allures d’actes d’intimidations ont lourdement impactées le quotidien des populations qui bien qu’étant encore en vie, sont tout de même conscientes qu’elles sont en contexte de guerre. Les comportements ont été énormément impactés par cette crise armée, au point où dans les recoins de rue, il faut faire attention à ne pas proférer des paroles qui pourraient attirés des regards extrémistes. Les populations sont sur le qui-vive, et ce n’est pas uniquement dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

La réalité des infiltrations des membres des groupes terroristes au sein des communautés villageoises qui se verront par la suite être massacrées par des terroristes, a fait naître dans le cœur des autochtones de certains villages de la région de l’Extrême-Nord, une méfiance très inquiétante. Le vivre ensemble est mis à mal par des assauts répétés à l’origine d’une méfiance à l’égard des étrangers. Les expériences du passé ont lourdement impactés le quotidien des communautés villageoises des coins les plus reculés de l’Extrême-Nord du pays. À cause des attaques passées, à la suite des infiltrations terroristes au sein des populations villageoises, les attitudes de convivialité vacillent désormais entre méfiances et exterminations sans complaisance, et sans enquêtes minutieuses nécessitant une prise de recul dans des situations où la méfiance et les expériences du passé peuvent désormais amenées à déraisonner face à des situations qui méritent qu’on leur accorde un intérêt particulier. L’épisode du 2 Mars 2025 en dit long sur l’état d’esprit des populations des villages impactés par les récurrentes attaques des mouvements terroristes, qui ont fait le choix de mettre à mal le quotidien des populations qui ont les nerfs à plomb, et qui sont décidées à agir activement pour protéger leur villages des attaques djihadistes. Une initiative responsable qui peut être lourde de conséquences, surtout quand on ne dispose pas de tous les moyens nécessaires pour faire un discernement de qualité. Une défaillance qui a engendrée  malheureusement une imprudence désastreuse ayant causée la mort de 3 camerounais innocents; à savoir deux chercheurs de l’institut géologique et minière de Garoua, et leur guide. Les trois hommes ont été brulés vif dans un village du département du Mayo Tsanaga qui a pour chef-lieu Mokolo. En effet, selon les données rapportées par plusieurs médias publiques et privées tant à l’échelle nationale qu’internationale, certains membres de la petite communauté de la localité de Balda, un village de la commune d’arrondissement de Soulédé-Roua, ont confondus les victimes de cette imprudence à des terroristes. Cet épisode regrettable suscite quand même plusieurs interrogations qui traduisent une fois de plus le fait que ce n’est pas parce qu’il y a une accalmie apparente, que la guerre est terminée.

Nous nous souvenons encore de la déclaration conjointe de guerre des chefs d’États Tchadien et Camerounais à Paris (France) en Mai 2014. C’était une déclaration officielle de démarrage qui ne peut être rompue que par une autre qui confirme une victoire. Tant que le gouvernement camerounais ne déclare pas officiellement que la guerre est terminée, la maitrise de la situation ne signifie pas la fin de la guerre. Les enquêtes qui ont permis l’interpellation de plusieurs suspects à la suite de la mort des trois victimes d’un quotidien sous-tension dans un des villages où il y a des comités de vigilance actifs, ne doivent cependant pas nous amener à ne pas nous interroger sur les mesures mises en place pour empêcher que ce genre de situation regrettable ne se reproduise : le guide n’était-il pas un natif du département ou du village ? N’avait-il pas une famille dans le coin ou s’agissait-il d’un chercheur comme les autres, étant donné qu’un chercheur, peut également être un guide, ou un espion. Venait-il d’un village voisin ? Les deux chercheurs n’ont-ils pas eu une autorisation des chefs de communauté ? Ce sont des interrogations qu’il faut se poser pour trouver des solutions, afin que des évènements de la sorte ne se reproduisent.

En contexte de guerre, il ne faut rien négligé. L’évènement malheureux de Balda est une preuve qui signifie que nous devons faire davantage d’efforts pour remédier à cette situation, dans une région et plus particulièrement plusieurs villages d’un ensemble de départements qui demeurent sous-tension, malgré une accalmie apparente, qui ne signifie pas la fin de la guerre. D’où la demande du syndicat national des chercheurs à savoir, une meilleure protection pour les chercheurs en mission, surtout dans des régions sous-tension, à cause des attaques djihadistes dont la cruauté a obligé des milliers de ménages à se reconstruire grâce notamment à un courage soutenu par un ensemble d’organismes de bienfaisances dévouées à la tâche.

En 2021, le comité international de la Croix-Rouge (CICR) a apporté une assistance économique à plus de 15 000 ménages originaires des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Des personnes qui du jour au lendemain, ont vu s’abattre sur elles une foudre infernale qui ne leur a cependant pas été fatale contrairement à plusieurs de leur proches qui ont perdus la vie à la suite des assauts récurrents des mouvements terroristes du Nord-Ouest, du Sud-Ouest, et de l’Extrême-Nord du Cameroun.

Conscient des difficultés des populations camerounaises, et surtout celles des personnes les plus affectées par les assauts récurrents des mouvements terroristes, le gouvernement camerounais préconise toujours une résilience qui ne peut pas être effective sans un courage soutenu activement par un ensemble d’acteurs qui ont les moyens d’amoindrir le calvaire quotidien des populations déplacées, et celles qui se retrouvent ailleurs. En effet, il s’agit d’un ensemble de camerounais qui dans une grande majorité, mettent tout en œuvre pour relever le défi de se reconstruire, après avoir vécu une épreuve traumatisante, grâce notamment à une force mentale soutenue par le gouvernement et plusieurs autres acteurs en faveur de la paix, même si les efforts entrepris demeurent insuffisants car l’objectif à long terme de toutes mains secourables n’est pas uniquement d’aider les principales familles à subvenir à leur besoins quotidien, mais trouver le moyen de les aider à subvenir à leur besoins par elles-mêmes, en les aidant dans l’exercice d’une activité génératrice de revenu qui nécessite au préalable le financement des études, le paiements des loyers, des dons de matelas et autres produits alimentaires de premières nécessités, sans toutefois oublié de mentionner l’octroi des matériaux pour le travail de la terre, afin de relancer des productions locales qui permettent non seulement aux personnes concernées de subvenir à leur besoins, mais vendre également le produit de leur récoltes dans les marchés locaux. Même si cela ne garantit pas une sortie de la précarité, c’est quand même un mieux que rien car l’insuffisance des ressources financières ne permet pas d’accorder les mêmes privilèges à tous le monde. Raison pour laquelle chacun fait le choix de se reconstruire comme il peut, afin de subsister. Les jugements de valeurs émis au vu de la réalité de certains faits sont sans importance. Chacun est libre de faire ce qu’il juge être le mieux pour lui, sans poser du tort à autrui, tout en espérant avoir un mieux de manière honnête, que tout le monde n’est pas toujours prêt à accorder.

L’insécurité dans les  régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord, a amené non pas seulement des personnes à se reconstruire, mais également un État qui se doit d’évaluer les conséquences sociales de la crise et de la guerre, afin de trouver davantage les moyens de contribuer à l’autonomisation financière des victimes. Les nombreux besoins face aux ressources limitées impliquent la nécessité de faire davantage d’efforts pour aider davantage de personnes qui sont dans le besoin, et qui ont trouvé le moyen de se reconstruire au Cameroun ou ailleurs, notamment dans certains territoires du Nigéria et du Tchad voisin, tout en espérant que la situation politique et sécuritaire de ces parties du leur Territoire ira en s’améliorant car à proprement parler, on est toujours plus mieux chez soi, même s’il peut arriver qu’un État d’adoption ou d'accueil soit une seconde patrie. Les survivants des assauts récurrents des mouvements terroristes portent également l’espoir d’un lendemain meilleur, sur un ensemble de territoires qui sont d’une très grande importance dans le processus de croissance économique du pays, notamment via l’attrait d’éventuel investisseurs, qui n’aiment pas le bruit des armes, ou celui généré par des mouvements terroristes.

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